Avant de poursuivre la visite, il vaut la peine de s’asseoir quelques minutes sur l’un des bancs au centre de la nef pour observer les éléments qui caractérisent un espace surprenant et unique. Il n’est vraiment pas facile à comprendre. Nous nous trouvons à l’intérieur d’une grande nef gothique unique. Ses dimensions sont magnifiques, plus de 15 mètres de large et près de 20 mètres de haut. Les élégantes sections de croisée d’ogives sont au nombre de trois.

En nous tournant vers les travées de l’église, à savoir vers l’ouest, on découvre un énorme chœur gothique, avec une partie inférieure divisée en trois nefs. Si l’on regarde de l’autre côté, vers le chevet, les formes et l’échelle changent de manière surprenante. On distingue trois absides romanes d’une hauteur bien inférieure à celle de la nef. À l’intérieur, les lourdes voûtes en berceau et les culs-de-four créent un espace quelque peu étroit et sombre. Au milieu de l’abside centrale, l’image de la Vierge d’Ujué, la patronne du temple, jouit d’une présence déterminante.

Logiquement, la partie la plus ancienne de l’édifice est le chevet. En 1089, le roi d’Aragon et de Pampelune, Sancho Ramírez, déclare que « en toute liberté et spontanéité, nous construisons l’église de la Mère de Dieu, Sainte Marie d’Ujué, avec ses dîmes, ses prémices, ses oblations et tous ses droits mis au service de Dieu et de sa Mère, Sainte Marie ». C’est le début de la monumentalisation du sanctuaire tel que nous le connaissons aujourd’hui.

Le chevet roman est composé de trois absides semi-circulaires pratiquement alignées. L’abbaye de Leyre semble être le substrat de cette proposition. Bien qu’elles soient aujourd’hui particulièrement bien restaurées, elles conservent une bonne partie des éléments décoratifs d’origine. Elles s’éloignent du modèle de l’abbaye de Leyre et évoquent des échos de la cathédrale de Jaca. Derrière les absides, seule une partie des nefs a été conservée. D’après les traces de profils pointus que l’on peut apercevoir sur l’imposant mur érigé pour joindre la partie gothique à la partie romane, il est possible d’en déduire que le temple se prolongeait avec trois nefs qui allaient compléter l’édifice, au fur et à mesure de l’écoulement des xiie et xiiie siècles.

Le sanctuaire de Santa María d’Ujué se consolide comme un point de référence dévotionnel en moyenne Navarre. L’ouvrage d’Ujué bénéficie de dons et de fonds importants. Il est fort probable qu’au début du xive siècle, le monastère de Montearagón et l’évêché de Pampelune se soient intéressés à la monumentalisation du sanctuaire, à l’extension de sa splendeur et à l’attraction d’un plus grand nombre de fidèles. N’oublions pas que ces deux institutions recevaient une grande partie des revenus et des oblations que les fidèles déposaient aux pieds de Sainte Marie.

Il est alors décidé de construire une nouvelle église aux dimensions et à la monumentalité plus importantes, dans un langage artistique gothique rayonnant. À cette époque, le cloître de la cathédrale de Pampelune se trouve en cours de construction. Le terrain est agrandi au niveau de la façade principale de l’église. L’espace au sommet de la montagne étant épuisé, de puissantes fondations et des contreforts extrêmement robustes sont ajoutés pour soutenir la partie des travées de l’église. Les travaux progressent lentement et trois sections sont construites. La quatrième section est commencée, celle-ci étant amenée à remplacer la section des nefs romanes que l’on peut voir aujourd’hui. Nous sommes alors dans le dernier tiers du xive siècle. Pour achever le projet gothique, la démolition du chevet roman s’avère nécessaire. Il s’agissait de la seule façon de compléter la nouvelle et spectaculaire structure gothique.

Mais c’est alors que la terrible peste noire de 1348 vient frapper la région. Il est estimé que la Navarre perd au moins un tiers de sa population et l’économie du royaume s’en ressent. Le budget alloué aux travaux ne cesse de diminuer de manière progressive. Et il reste encore beaucoup à faire. C’est probablement vers la fin du xive siècle qu’il est décidé d’abandonner le projet d’un chevet gothique et de fusionner l’ouvrage gothique et l’ouvrage roman. À cette fin, la travée de la grande voûte gothique est fermée par un grand mur construit en appui sur les voûtes romanes du chevet. Le sanctuaire est alors terminé. La dernière clé de voûte, la plus orientale, porte les armoiries de Ramón de Sellán, abbé de Montearagón entre 1359 et 1391. Il est fort probable qu’elle ait été placée avant 1385, année où les abbés de Montearagón perdent définitivement la propriété du sanctuaire au profit de l’évêque de Pampelune. Charles II meurt un an plus tard. Avec sa famille, ce roi apportait depuis des années d’importantes ressources pour l’aménagement du nouveau temple.

Nous allons maintenant nous diriger vers la grille du chevet pour accéder à la chapelle principale, centre névralgique du contenu religieux et historique de l’édifice.

Une fois devant l’image de la Vierge, appuyez sur le numéro 4.